La société civile congolaise continue de tirer la sonnette d’alarme sur le manque à gagner engendré par le contrat sino-congolais signé en 2008 avec un consortium d’entreprises chinoises. Dans un rapport publié le mercredi 5 mars 2025, la plateforme « Congo n’est pas à vendre » (CNPV) dénonce les déséquilibres persistants du contrat, notamment après son avenant de 2024, qui n’a pas permis d’améliorer significativement les intérêts de la République démocratique du Congo (RDC).
132 millions USD de manque à gagner en 2024
Le rapport révèle qu’en 2024, la RDC a enregistré un manque à gagner de 132 millions USD, un chiffre jugé « inacceptable » par CNPV. Cette perte s’ajoute aux 443 millions USD d’exonérations fiscales et parafiscales accordées à la partie chinoise en 2023, soit 16% des dépenses fiscales totales de l’État cette année-là.
Baby MATABISHI, membre du CNPV, alerte sur les conséquences à long terme de ces exonérations. Si elles sont maintenues, la RDC pourrait perdre 7,5 milliards USD sur les 17 prochaines années, privant ainsi le pays de ressources essentielles pour son développement.
Une convention en dehors du Code minier congolais
Le rapport pointe du doigt un problème fondamental : le contrat sino-congolais n’est pas soumis au régime du Code minier congolais mis en place en 2018. Cette autonomie permet aux entreprises chinoises de bénéficier d’exonérations fiscales totales, alors que les autres compagnies minières opérant en RDC sont soumises aux obligations du Code minier.
Cette situation remonte à la signature du contrat en 2008, qui s’est faite sans base légale claire, selon le rapport. Le gouvernement congolais avait accepté ces conditions afin de faciliter le remboursement des prêts destinés aux infrastructures et au développement du projet minier.
«Ce que nous dénonçons, c’est ce déséquilibre structurel de la convention sino-congolaise, qui reste perpétuel. Depuis 2008, nous alertons sur les problèmes de gestion en circuit parallèle, qui échappent aux institutions traditionnelles du gouvernement», explique Baby MATABISHI.
Les promesses du gouvernement congolais face aux critiques
Face à ces critiques, le gouvernement congolais s’appuie sur un mémorandum publié le 27 janvier 2024 par l’Inspection générale des Finances (IGF), qui annonçait que la RDC devrait percevoir 7 milliards USD au total dans le cadre de ce contrat.
Ces fonds seraient destinés à la construction d’infrastructures, avec une enveloppe de 324 millions USD par an, et un montant exceptionnel de 624 millions USD pour l’année 2024.
En outre, la RDC bénéficierait de 1,2% de royalties sur le chiffre d’affaires de Sicomines, la joint-venture créée dans le cadre de l’accord, ainsi que de 40% des parts dans la co-gestion de la centrale hydroélectrique de Busanga (contre 60% pour la partie chinoise).
Un débat relancé sur la souveraineté économique
Ce rapport ravive un débat crucial sur la souveraineté économique de la RDC face aux partenariats internationaux. La question centrale reste de savoir si les gains promis par le gouvernement sont suffisants pour compenser les pertes fiscales et le manque de contrôle sur les ressources minières.
Alors que les infrastructures financées par ce contrat sont souvent mises en avant comme un atout, les voix critiques soulignent que les conditions d’exploitation et de partage des richesses minières restent largement déséquilibrées en faveur des entreprises chinoises.
La pression de la société civile et des instances de contrôle comme l’IGF pourrait inciter le gouvernement à réévaluer les modalités du contrat sino-congolais. Mais la RDC a-t-elle réellement le pouvoir de renégocier cet accord en profondeur ? La réponse à cette question déterminera l’avenir de l’un des plus grands partenariats économiques du pays.
Rédaction